9782226258489m.jpgVivre avec une maladie, ce n’est pas devenir cette maladie. Ève Ricard, atteinte de la maladie de Parkinson, n’a eu de cesse, depuis plus de vingt ans, de puiser aux sources vives de l’existence pour dépasser la douleur du corps. Son regard n’a jamais quitté cette étoile qui danse sur le chaos, et qui permet d’inscrire en soi des traits lumineux. Avec délicatesse et humour, elle entrouvre au fil des pages les portes d’un monde qui transcende toute plainte. La poésie devient le rythme des jours et la sagesse de l’instant. Car Ève Ricard vit avec cette maladie comme une musicienne et, comme l’écrit son frère, Matthieu Ricard, elle a su tirer de son expérience « une mélodie émouvante et sublime ».

Son frère, Matthieu Ricard, a écrit, sur son blog, les lignes ci-dessous, pour nous présenter, non seulement, le livre de sa soeur, mais aussi son parcours, son vécu.



Ma sœur Ève fut atteinte précocement - elle avait juste 42 ans - par la maladie de Parkinson. Elle réagit avec un grand courage et de la façon la plus constructive possible, comme elle le décrit dans son émouvant récit, poème et enseignement, Une étoile qui danse sur le chaos . Les jeunes parkinsoniens ne bénéficient pas en France de l’aide sociale accordée à d’autres travailleurs handicapés (travail à mi-temps, etc.), car c’est une maladie qui est censée affecter les personnes âgées, lesquelles, habituellement, ont déjà quitté le milieu du travail. En dépit de sa maladie, Ève continua à se dévouer à plein temps aux enfants issus de milieux défavorisés qu’elle a accompagnés pendant toute sa carrière d’orthophoniste.

Ma sœur Ève et son époux, Yann, me donnent tous les jours une leçon de vie. Une leçon transmise non par des mots mais par l’exemple. Une leçon qui n’est pas donnée à une heure ou à une date fixe mais à chaque instant, avec simplicité, constance et dignité. Ève m’enseigne le courage, Yann la sollicitude. Un courage qui ne consiste pas seulement à faire face avec fortitude à une maladie éprouvante dont elle sait qu’elle ne guérira pas, mais surtout à avoir adopté et maintenu sans fléchir une vision et une attitude exemplaire à l’égard du mal qui l’affecte. Cette vision, elle l’articule en quelques mots : « Je sais que j’ai une maladie et pourtant je ne suis pas cette maladie et je ne le serai pas. » Cette attitude fait une immense différence, car en ne s’identifiant pas à la maladie, Ève a ouvert et préservé un espace de liberté pour vivre, créer et aimer. Cette espace lui permet de choisir comment vivre une maladie qu’elle n’a pas choisi de subir. Une maladie qu’elle a prise en main comme une musicienne qui trouve sur son chemin un instrument abîmé et sait, par la magie de son expertise, en tirer une mélodie émouvante et sublime.

Quelles que puissent être l’adversité extérieure et la douleur du corps, c’est l’esprit qui les traduit en mal-être. C’est lui qui connaît la joie au cœur de la tempête ou la tristesse dans un paradis. Un changement, même minime, dans la manière de percevoir et d’interpréter le monde, transforme considérablement la qualité de chaque instant de notre existence.
Partout où la vie s’épanouit dans l’univers, la souffrance est présente : maladie, vieillesse, mort, séparation d’avec ceux que l’on aime, union forcée avec ceux qui nous oppriment, privation de ce dont on a besoin, confrontation avec ce que l’on redoute...
Mais la souffrance ne possède pas un caractère absolu, et le malheur n’a pas de causes immuables. Nous n’avons qu’un contrôle limité, temporaire et souvent illusoire sur le monde extérieur et sur notre corps, mais notre esprit, lui, est par nature beaucoup plus flexible : s’il est difficile de changer le monde, il est toujours possible de transformer notre façon de le percevoir.
Maladroitement, nous recherchons le bonheur en dehors de nous-même et lorsque nous nous trouvons désemparés face à la souffrance, c’est encore à l’extérieur que nous cherchons de l’aide. Pourquoi tant hésiter à tourner notre regard vers l’intérieur ? C’est pourtant bien au cœur de la nature même de l’esprit que l’on peut s’ouvrir au potentiel de force et de sérénité qui est toujours présent au plus profond de soi.

« Je n’appartiens plus depuis longtemps à la famille des gens normaux, » écrit-elle. "Je ne vis pas comme eux. Je n’appartiens pas plus à celle des parkinsoniens et je ne vis pas comme eux. La médecine ne s’intéresse pas à cette différence. » Cette différence qu’elle a su créer est riche d’enseignements susceptibles de nous éclairer et de nous aider, dans la joie comme dans la souffrance.

Le bonheur ne nous est pas donné ni le malheur imposé. Nous sommes à chaque instant à une croisée de chemins et il nous appartient de choisir la direction à prendre. C’est la force d’âme et la liberté intérieure qui font toute la différence.

« Que faire quand on est privé du geste ? Peut-on vivre autrement ? Peut-on créer autrement ? Que signifie cette différence ? Où commence la différence ? Quelles victoires possibles ? Si on se bat, c’est pour une guérison. La victoire ne sera pas celle du corps mais celle intime et spirituel de l’esprit. »
« Ici, tu sais, on ne rate jamais rien, » a dit un jour Ève à l’un des enfants handicapés dont elle s’est occupé toute sa vie, « puisqu’il existe un lieu où rien n’est jamais raté ». Ce lieu, c’est notre nature véritable, la pépite d’or qui est en chacun de nous, même si nous avons oublié sa présence, comme le mendiant qui, à la fois pauvre et riche, ignore le trésor enfoui sous sa cabane. Rentrer en possession de ce qui nous appartient, notre nature profonde, oubliée, nous permet de vivre une vie pleine de sens. C’est là le plus sûr moyen de trouver la sérénité et d’épanouir l’amour en notre cœur.

Merveilleux livre d'Ève Ricard, qui nous permet de dépasser "la maladie", de retrouver notre nature véritable, notre être profond et merveilleux et riche commentaire de son frère Matthieu Ricard.

Une étoile qui danse sur le chaos, par Ève Ricard, éditions Albin Michel.

Site de Matthieu Ricard pour aller plus loin :http://www.matthieuricard.org/blog/...