Jacqueline Kelen est écrivain, conférencière, spécialiste des mythes de la tradition occidentale et de la démarche mystique. Auteur d'une trentaine de livres, dont "Marie-Madeleine", "Divine blessure", ou son long-seller "L'esprit de solitude"... Son tout dernier livre est paru en mars 2015 "Sois comme un Roi dans ton coeur", aux Éditions Labor et Fides.
Il émane de ses livres une passion ardente d'un autre temps. L'exaltation de vertus oubliées qui rappelle celle de la Chevalerie et de l'Amour Courtois. Oui, Jacqueline Kelen est une chevalière dans l'âme... ou une inspiratrice aux pouvoirs d'initiatrice...
Et pour mieux connaître cette chevalière dans l'âme, je vous laisse découvrir son interview-témoignage pour mon livre L'Avenir est en nous" (Ed. Dangles), livre paru en mars 2014.
Jacqueline Kelen, Dame Sagesse vous a invitée à sa table et désirerait mieux vous connaître.
• Comment vous présenteriez-vous ?
Une femme de passion et de liberté. Les trois termes sont d’égale importance et ils sont à mes yeux indissociables.
La biographie en tant que telle (état civil, péripéties de l’existence...) ne me semble pas intéressante, du moins pas primordiale : elle concerne le moi social et historique, et ce qui me requiert est ce qui ne passe pas.
La plupart des contemporains, même s’ils appartiennent à une religion et professent une foi, paraissent ne s’intéresser qu’à ce monde et à leur parcours terrestre alors que, depuis longtemps, je m’interroge sur le voyage de l’âme après le trépas.
• Avez-vous vécu une expérience déterminante qui a modifié, changé votre parcours de vie ? Cette expérience vous a-t-elle amenée à prendre des décisions qui orientent encore votre vie ?
L’expérience première et cruelle, impossible à dater selon le temps terrestre, est celle de l’exil en ce monde. Mon âme a toujours su où était son royaume, en quel climat elle respirait.
Dès l’enfance, le monde surnaturel était pour moi une évidence tout comme la présence divine. La religion catholique dans laquelle j’ai été élevée me convenait parfaitement avec ses rites sacrés, sa beauté, sa musique, et le sens de l’adoration qui ont, depuis, quelque peu disparu... Mais, en suivant des études supérieures de lettres classiques jusqu’à l’agrégation, j’ai pu aussi découvrir et explorer la riche philosophie de la Grèce antique ainsi que de nombreux mythes fondateurs de la Tradition occidentale. Aujourd’hui, je me sens autant néo-platonicienne que chrétienne : voilà pourquoi des personnes telles que Pic de la Mirandole38 et Simone Weil39 me sont chères. Mon amour pour le Christ (par-delà les différentes Églises) et ma fidélité envers Lui sont irréversibles, mais la quête de vérité et le salut de l’âme ne relèvent pas de la seule religion, ils reposent aussi sur une connaissance intérieure, une ascèse personnelle, une patiente méditation, comme l’enseignaient les philosophes grecs, de Pythagore à Plotin en passant par Socrate et Platon.
Voilà donc ce qui oriente et nourrit mon existence : la quête de l’essentiel, l’aspiration à une connaissance supérieure touchant aux réalités célestes, le désir mystique de la « vie parfaite » ou « vie divine ». Tout le reste est accidentel ou accessoire.
• Quelle est votre vision du monde actuel ?
Notre société basse et vulgaire court à sa perte, mais dans la plus épaisse inconscience et même en rigolant.
Le monde occidental actuel reste sous l’emprise du rationalisme, du positivisme et du scientisme qui ont émergé aux XVIIIè et XIXè siècles et, avec arrogance et puérilité, ont nié Dieu et l’au-delà. Sous prétexte de faire le bonheur de l’homme, cette idéologie confinée aux préoccupations matérielles et terrestres a voulu éradiquer tout sentiment religieux, tout désir d’éternité, toute démarche spirituelle ; mais, au lieu de libérer l’individu et d’émanciper les masses, elle les a asservis à des idoles telles que le progrès, l’argent, le plaisir, la notoriété, et le moi tout-puissant.
La négation de la transcendance divine et d’un monde invisible ne rend pas les modernes plus libres ni plus joyeux, mais elle profite aux politiciens avides et aux bonimenteurs qui vendent leur système ou leurs recettes de bien-être, à tous les maîtres à ne pas penser... Le citoyen se trouve réduit à l’état passif de consommateur et spectateur, il absorbe à longueur de temps bruits, images, slogans, sans esprit critique, affreusement conforme. Faute d’intériorité et de relations vivantes avec autrui, il est voué au virtuel, aux réseaux sociaux, aux mirages des écrans.
Cela, des polémistes, des pèlerins de l’Absolu comme Bloy, Péguy, Bernanos, Berdiaev, Soljenitsyne l’ont dénoncé bien avant moi, mais leurs voix prophétiques demeurent « inentendues ». Les philosophes grecs et romains ainsi que les prophètes bibliques parlent aussi des temps de bonheur et de consolation, mais ceux-ci n’ont rien à voir avec les recettes du développement personnel et les innombrables thérapies. Le bonheur ici-bas n’est autre que vivre selon le Bien, acquérir la sagesse, élever son âme et contempler les réalités célestes, et aussi répandre autour de soi des semences de beauté et d’amour.
• Quelles sont les valeurs auxquelles vous êtes attachée ? De quelles manières les rendez-vous vivantes ?
Les valeurs sont humaines, autant dire fluctuantes, périssables, qu’elles relèvent du domaine politique, financier ou moral.
Il en est des « valeurs » comme du « sens de la vie » : tel individu peut placer la réussite matérielle et sociale en haut de son échelle de valeurs, tel autre verra dans son couple et ses enfants l’accomplissement de sa vie. L’homme intérieur, lui, se réfère aux vertus. Vertus philosophiques que sont la Force, la Justice, la Prudence et la Tempérance, à quoi se sont ajoutées les vertus typiquement chrétiennes de la Foi, de l’Espérance et de la Charité. Un être humain conscient de sa dignité spirituelle et de sa dimension éternelle se conforme à ces vertus, il les met en pratique et les fait rayonner autour de lui. Mais il n’y a pas de mode d’emploi : c’est un long chemin de patience et de discrétion qui dure toute la vie.
• À ce jour, que désireriez-vous transmettre ?
De nos jours, tous veulent parler, enseigner, montrer le vrai chemin, avoir des disciples, enrôler et endoctriner sous couleur de « transmettre ». Kierkegaard écrivait déjà que le chevalier de la foi est un témoin, non pas un maître. Avant de vouloir transmettre, encore faut-il peser et jauger ses propres richesses intérieures, encore faut-il avoir beaucoup écouté, reçu, remercié et fait silence...
Pour ma part, je n’ai la prétention de « transmettre » ni un message, ni, a fortiori, un enseignement ; et, par ailleurs, je doute que l’on puisse transmettre sa soif d’Absolu. Mais l’on peut donner le goût de se mettre en route, de s’aventurer et de prendre le large. Pour moi, le plus précieux consiste à témoigner, pendant mon passage sur terre, de l’immense liberté créatrice impartie à l’être humain.
• À la lumière de votre expérience, que vous inspire cette déclaration : « Nous sommes tous des compagnons de voyage » ?
La quête de la sagesse n’est pas une aventure collective, mais une démarche singulière et solitaire. Je me méfie toujours des formules englobantes qui noient les individualités et qui déclarent, comme dans les publicités, « nous aimons tous ceci », « nous faisons tous cela ». Chaque être est unique, telle est la merveille, du moins s’il en est conscient.
D’autre part, qui dit compagnon dit entente, partage des points essentiels, affinités de cœur, d’intelligence et d’esprit. L’amitié est très rare, l’amitié spirituelle plus rare encore. Heureux qui, dans son parcours ici-bas, rencontre, voire fait un bout de chemin avec un ou deux « compagnons » !
Qui donc a décrété que la religion était une voie austère ? Qui a dit que la sagesse et la sainteté excluaient nécessairement le rire, la danse, les bons mots, l’exubérance ? A travers ses propos d’insoumise sur sa quête du divin, Jacqueline Kelen renverse gentiment les tables pour révéler l’essentiel. Dans une époque morose ou tragiquement soumise aux modes, elle présente des figures toniques, irrévérencieuses ou joyeuses permettant de s’abstraire des bonheurs et vérités obligatoires. Avec notamment Bernanos, Plotin, Catherine de Sienne ou Dietrich Bonhoeffer, cet auteur de plus de trente livres esquisse une aventure spirituelle de la liberté dans laquelle elle s’est embarquée depuis l’enfance et dont elle nous dit ici les étapes significatives. Sur la saveur des gestes simples et des émotions sans fioritures, sur la recherche du vrai indépendamment des chapelles, Jacqueline Kelen entraîne vers des contrées où le cœur est roi, où l’humilité joyeuse au fond de soi permet toutes les audaces.
Pour lire son témoignage au complet, page 171 dans L'avenir est en nous de Marie Clainchard - Ed. Dangles - mars 2014, sans oublier les témoignages de 42 autres aventuriers de l'existence… Ces témoignages vont raviver votre propre flamme, éveiller ou réveiller en vous l'aventurier, l'inventeur, le sage et le poète. Ils vous permettront de vous affranchir de certains conditionnements pour réinventer d'autres possibles, réorienter votre regard et vous laisser emporter dans le courant de la vie et de la créativité. - 310 pages - 20€.
1 réactions
1 De Michel Potay - 06/01/2019, 13:23
Ayez la bonté de dire à Catherine Kelen, que je ne sais pas comment toucher, que le vieil homme que je suis fut, il y aura bientôt 45 ans, alors que j'étais dans ma quarante-cinquième année, visité surnaturellement. J'ai édité les Messages reçus du Tout, dont nous sommes images et ressemblances sous le titre de "La Révélation d'Arès", parce que l'évènement eut lieu dans un gros village nommé Arès en Gironde. Je suis aussi depuis ce temps le frère aîné des Pèlerins d'Arès, si cela lui dit quelque chose. Qu'importe ! Je ne connaissais pas Catherine Kelen. Je viens lire "Bréviaire du Colimaçon". Je suis dans la joie de l'âme. Je lui adresse mes vœux chaleureux d'année 2019 heureuse, réussie, pieuse.
Elle peut m'écrire à Michel Potay, 46 avenue de la Libération, BP 16, 33740 Arès.
Je souhaite qu'elle poursuive son œuvre dans le même sens. Je ne suis pas catholique, mais aux mots près, dans sommes sur la même ligne de la Vie. Alleluia.