lectureFichiergw.jpg« Aimez-vous les uns les autres, c’est mon mot d’ordre. C’est la voie du cœur, du bonheur... »

Jean-Marie Pelt nous a quitté le 23 décembre 2015. Il est parti fêter sa re-naissance auprès de ses parents, de ses amis tel Robert Schumann, Théodore Monod… Aujourd'hui, 29 décembre, il est enterré dans son village natal, Rodemack, en toute simplicité, loin des fastes du monde, comme il l'avait demandé ! Merveilleux Jean-Marie.
Nous avions un lien privilégié : son oncle était mon parrain, Louis Pelt et lors de nos rencontres, quel plaisir d'échanger des souvenirs de cette Lorraine, moi qui suis, depuis vingt cinq ans, et par amour, bretonne et rennaise !
En hommage, j'ai désiré mettre sur mon blog, le témoignage qu'il m'avait offert pour mon livre "L'avenir est en nous". Il s'y dévoile avec pudeur, sincérité, authenticité… Chaque mot est si juste ! Il fait partie des 43 aventuriers de l'existence qui ont bien voulu participer à l'aventure de mon livre et l'enrichir par leurs propos.
Sois remercié Jean-Marie par tout ce que tu nous a offert.

Jean-Marie Pelt, Dame Sagesse vous a invité à sa table et elle désirerait mieux vous connaître.

•Comment vous présenteriez-vous ?
Comme un petit garçon ayant traversé une longue vie, et qui n’a pas perdu son âme d’enfant. À travers de multiples expériences, il croit avoir acquis une caractéristique assez rare de notre temps, le discernement, cette propension à observer les événements intérieurs ou extérieurs, non pas en fonction de la pensée unique et du politiquement correct, mais plutôt en fonction des valeurs qui ont été les siennes depuis sa plus petite enfance. Ces valeurs sont fondées sur deux piliers : la nature qu’il a découverte dans le jardin de son grand-père quand il était en maternelle, et dans une ferme de l’Allier pendant la guerre, et la spiritualité transmise par sa famille, les Pelt. Cette dernière lui a été essentielle pendant toute son existence, même si elle a énormément évolué au cours de ses quatre-vingts ans.

Avez-vous vécu une expérience déterminante qui a modifié, changé votre parcours de vie ? Cette expérience vous a-t-elle amené à prendre des décisions qui orientent encore votre vie ?
Cette expérience s’est produite il y a trente ans. En deux ans, j’ai vécu sept enterrements, ceux de mes parents, de toute une génération et d’une personne très chère. Conjointement, j’ai rencontré des problèmes importants à l’Institut européen d’écologie, qui était un peu mon enfant ! Il s’ensuivit une forte dépression, contre laquelle ni la psychologie, ni les médicaments n’ont eu le moindre effet véritable, sinon de l’entretenir.
En 1982, alors que j’étais dans un désespoir total, que j’avais touché le fond, j’ai téléphoné à un ami prêtre, très proche. Je lui ai dit : « Je ne suis pas seulement déprimé, je suis prostré, je n’ai plus le courage de vivre. » – Il m’a répondu : « Prostré comme tu es, Dieu t’aime infiniment », et il a raccroché.
Et là, il se produisit un événement prodigieux, de loin le plus important de mon existence ; je fus saisi par une sorte d’ouragan de bonheur qui s’abattit sur moi, perçu comme venant plutôt de l’extérieur, dans lequel il y avait trois mots exprimant ce que je ressentais, « Joie, Paix, Amour ». Ce fut un état de bonheur absolu que j’appellerais « la vraie vie ». C’était tellement fort que je fus arraché du fond de ma piscine, en perdant mon poids (j’avais l’impression de flotter en l’air), je devais toucher le sol avec mes pieds pour savoir si j’étais bien debout. Cela s’est passé dans un hôtel à Paris.
J’ai rebondi, je suis reparti. Dans le hall, le concierge dit : « Oh, monsieur Pelt, vous avez l’air bien mieux que tout à l’heure. » Je lui ai répondu : « J’ai eu une visite. » – « Ah ? Personne ne vous a pourtant demandé. » – « Mais c’est une visite qui est venue d’en haut ! » Et, à partir de là, je n’ai plus jamais eu la moindre période dépressive. Plus jamais. Au contraire, j’ai trouvé une force de vie qui m’habite encore. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y a plus d’épreuves. En moi réside une présence permanente, un sentiment d’être habité par Jésus ou Dieu, et, quoi qu’il puisse arriver, cette force est toujours là. Elle vous aide à avancer, mais dans la mesure où avancer, c’est aller vers les autres, et aimer les autres.
Voilà, ce fut l’événement le plus important de ma vie et c’est arrivé le 20 juillet 1982, à 18 h 50 ! Ce prêtre a été vraiment le médiateur.
Ces événements, qui sont proches de la mystique, se sont reproduits encore plusieurs fois par la suite, dans les dix-huit mois qui ont suivi. Cela se produisait quand j’étais seul, quand je me mettais dans la position du lotus ; immédiatement, je ressentais alors cette force extraordinaire.
Lors de l’opération d’un anévrisme, avec un risque vital, j’ai senti à nouveau, et avec beaucoup de force, la présence de Dieu en moi ! Cet événement, au cœur de ma vie, a inauguré une deuxième étape, balayant tous mes anciens « scrupules » et m’ouvrant vers une incroyable et immense liberté.

Quelle est votre vision du monde actuel ?
Je trouve que l’humanité risque de perdre ce qu’elle a d’essentiel, son univers psychoaffectif, qui normalement devrait apporter un fort altruisme. Je suis très inquiet de la prégnance de plus en plus forte des technologies. Insidieusement, nous en devenons petit à petit dépendants et cela risque de nous déshumaniser. Autant la technologie de l’information et de la communication peut être merveilleuse, autant elle amenuise les rapports humains quand nous ne communiquons plus que par réseaux interposés. Nous communions alors de moins en moins avec le cœur !
Dans le même temps, et toujours d’une manière insidieuse, nous nous coupons de la nature, car celle-ci n’est perçue qu’à travers l’écran de nos écrans. Nous voyons la nature à la télévision, sur Internet ; je ne sais pas si les jeunes regardent le ciel comme je le regardais hier soir ; il était si lumineux, il y avait une extraordinaire conjonction entre Vénus et Jupiter ! Nous sommes aussi très loin du monde animal et parfois même terriblement cruels à son égard. Il serait temps que nous restaurions des rapports harmonieux avec la nature, ne serait-ce que pour éviter la catastrophe écologique annoncée.
Ah, découvrir la beauté de la nature ! Les anciens disaient : « La beauté de la nature reflète la beauté du créateur. » Mais, malheureusement, nous ne sommes plus attentifs à tout cela, parce que nous pensons, peut-être et sans l’exprimer, car c’est inconscient, que l’avenir de l’humanité, c’est la technologie.
Je pense que ce qui est essentiel pour l’avenir de l’humanité, c’est le progrès spirituel et humain, ne serait-ce que pour éviter la guerre et une destruction totale de l’espèce, même si je sais qu’un conflit nucléaire est toujours possible, malheureusement. Aimez-vous les uns les autres, c’est mon mot d’ordre. Toutes mes conférences se terminent avec ces mots.
Lorsque nous aurons été au bout des effets négatifs du monde que nous fabriquons avec ardeur et véhémence, nous en verrons apparaître, petit à petit, toutes ses limites. Nous en toucherons le fond (comme celui de la piscine tout à l’heure), et alors, oui, il y aura de la résilience. Une résilience collective qui se fera progressivement. Et c’est un facteur d’optimisme.

Quelles sont les valeurs auxquelles vous êtes attaché ? De quelles manières les rendez-vous vivantes ?
La valeur à laquelle je suis très attaché est la phrase du Christ : Aimez-vous les uns les autres. Cela signifie avoir cette conscience intime, au fond de soi-même, que c’est la voie du cœur, du bonheur. Par exemple, si vous avez une pulsion négative par rapport à une personne, elle se dissout sur-le-champ quand le contact dans la communion s’établit, et elle s’établit toujours. C’est ce qu’il faut retenir. Pour Théodore Monod, si les humains s’aimaient, il n’y aurait plus de guerre, de gens qui meurent de faim, de gens non soignés... et dans le métro, ce serait joyeux ! C’est exactement cela. On pourrait être si bien ensemble ! Et c’est le projet de Jésus et en même temps celui de l’humanité. Cela, c’est l’essentiel, et c’est vraiment la voie du bonheur.
Quand on dit qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir, c’est profondément vrai ; et c’est vrai pour tout le monde, pour la pauvre veuve de l’Évangile et aussi pour le riche. Si le riche apprend à donner, il devient riche d’autre chose, et surtout d’humanité. Et toutes les autres valeurs découlent de celle-là. Dans mon quotidien, j’essaye de vivre pleinement cette valeur.

À ce jour, que désireriez-vous transmettre ?
Aimez-vous les uns les autres. Tout simplement. Je suis tellement frappé par la sécheresse de notre société. J’aime beaucoup l’Histoire et je pense qu’au Moyen Âge, la société était sans aucun doute plus joyeuse que la nôtre, même si les gens vivaient dans des conditions très difficiles. Il y avait une très grande communion, avec des sentiments fortement exprimés. Nous sommes des sociétés tristes, immensément agitées, où tout se vaut ! On ne sait plus rien discerner, le dernier « sous-people » qui a écrit un livre est aussi prisé (pour quelques jours !) qu’un grand écrivain. Tout est pareil. Tout est nivelé et cela affaiblit et amoindrit toute chose. C’est désespérant de manque de qualité. Et contre cela, je m’insurge complètement.

À la lumière de votre expérience, que vous inspire cette déclaration : « Nous sommes tous des compagnons de voyage » ?
Oui, nous sommes des compagnons de voyage. Et alors, nous communions avec les autres. Je l’ai vérifié très souvent. Avec un ami afghan, qui a été mon élève et mon successeur, nous évoquions dernièrement un voyage haut en couleur, que nous avions fait dans l’Hindou Kush, dans des zones très difficilement accessibles. La petite équipe que nous formions est revenue merveilleusement soudée, avec un relationnel qui a duré des années ensuite après notre retour en France. Ce petit modèle d’expédition au fin fond de l’Hindu Kush est un peu le modèle de notre cheminement dans notre vie terrestre. Et nous sommes des compagnons de pèlerinage. Quand nous sommes en voyage ensemble, tout naturellement nous partageons les expériences communes !

1540-1-1.jpgSon dernier livre paru le 12 novembre 2015 : Manifeste pour la beauté du monde par Jean-Marie Pelt et soeur Anne Keyroutz - Ed. Le Cherche Midi - 240 pages -
« La beauté sauvera le monde »,écrivait Dostoïevski. Ce livre explore cette valeur essentielle à toutes les cultures de l'humanité par le biais de deux regards.

Jean-Marie Pelt voit la beauté au détour de la science, de l'écologie, d'une quête de sens se faisant contemplation de la nature. Paysages, règnes naturels, cosmos... la beauté peut être tendre, sublime, inquiétante. Pour soeur Marie Keyrouz, elle se révèle grâce à l'art sacré du chant, de la parole psalmodiée. Au-delà de l'esthétique, et intimement liée à la spiritualité et à l'éthique, la beauté est socialement engagée, en particulier via l'aide à l'enfance meurtrie dans les pays en guerre. Le beau est indissociable du vrai et du bien.

Démarche artistique, action humanitaire, recherche scientifique, vie spirituelle et travail citoyen, les auteurs nous livrent leurs leçons. Des pages à hauteur d'âme...

Témoignages recueillis par Nathalie Calmé, écrivain et journaliste.

Avenir-plat1.jpgLe témoignage au complet dans L'Avenir est en nous (page 221) - Marie Clainchard ; Edition Dangle - page 55.- 300 pages, 20€. Quarante-trois aventuriers de l'existence et amoureux de la sagesse (Stéphane Hessel, Boris Cyrulnik, Pierre Rabhi, Jean-Marie Pelt, Annick de Souzenelle, Jacqueline Kelen…) ont accepté de s'ouvrir en toute authenticité, simplicité et humanité. Ils évoquent leurs expériences et leurs vécus, leurs découvertes, partagent leurs espérances, transmettent leurs valeurs…