3671915-5424634.jpgFatimata Warou ! Quelle belle personne ! Ses bras vous enveloppent, son rire se propage en vous et tout autour de vous… Non, elle ne passe pas inaperçu ! Elle est la joie de vivre ! À la fois africaine et française, Fatimata Warou a trouvé sa place de femme dans les deux sociétés où elle vit. Avec l'association MATA (signifiant femme en langue haoussa) qu'elle a créée en 2003, elle s'active entre le Niger et la France. Son objectif : « Promouvoir l'autonomie politique, sociale et économique des femmes. » Depuis peu, elle fait aussi partie des « Femmes d'Afrique et de Bretagne en réseau » (FABER).

Fatimata Hamey-Warou a été professeure au CEG de Dogondoutchi, puis à l'EN de Maradi de 1983 à 1989 au Niger. Elle est titulaire d’un DEA Sciences Humaines à Rennes 2. Présidente fondatrice de l’Association franco-nigérienne de défense des droits de la femme au Niger (MATA), elle a été aussi responsable du Pôle Seniors UAIR (Union des Associations Interculturelles de Rennes).

La richesse de sa culture, de ses deux cultures devrais-je écrire, m'ont impressionnée et j'ai désiré connaître ses réponses aux six questions posées dans mon livre "L'avenir est en nous" et surtout les faire partager à vous, chères lectrices et chers lecteurs de mon blog.

1. Comment vous présenteriez-vous ?
Je suis une émissaire de la paix

2. Avez-vous vécu une expérience déterminante qui a modifié, changé votre parcours de vie ? Cette expérience vous a-t-elle amené à prendre des décisions qui orientent encore votre vie ?
La maladie de mon fils m’a amenée à quitter mon poste d’enseignante au Niger pour être auprès de lui, à l’hôpital Necker à Paris, puis je suis venue habiter à Rennes afin de poursuivre mes études. Après plusieurs années d’étude, de réflexions, j’ai créé en 2003 l’association Mata qui a pour but de promouvoir les droits des femmes et des enfants au Niger, de solidarité internationale et d’échanges culturels intercontinentaux, puis en 2008 j’ai initié un projet « Arbre à Palabres du vivre ensemble».
C’est une adaptation locale du concept ancestral africain de « l’arbre à palabres », les villageois se retrouvent sur la place du village en général sous l’ombre d’un grand arbre, et ce pour palabrer à propos des problèmes communs qui se posent et des décisions à prendre.
J’ai pensé que cet espace de discussion entre les immigrés et non- immigrés manquait ici dans notre monde occidental. Cela pouvait devenir un espace de citoyenneté, de dialogues, d’écoute et d’échanges réciproques des richesses des uns et des autres. Ce qui favorisait le dialogue, c’était cette discussion en forme de cercle ouvert où il n’y avait pas de hiérarchie de parole entre nous. Il s’agit d’une adaptation locale du concept ancestral africain de l’arbre à palabres, un nouvel outil qui a été créé en 2008.
Cette expérience réalisée avec le groupe est le fruit d’une réflexion et d’acheminement de toute une vie visant la promotion de la différence et de la reconnaissance mutuelle des cultures comme instrument au service de la Paix. Avec d’autres j’ai pris conscience que la prise en compte des identités plurielles se manifestent sous diverses formes. Loin de compliquer le vivre ensemble est au contraire une condition de sa pérennisation. Le dialogue bienveillant avec l’autre différent permet en effet à chacun de mieux approfondir et apprécier son identité propre comme un cadeau qu’il offre à l’autre et d’accueillir également la singularité de l’autre différent comme un cadeau pour lui. C’est à sa manière et à sa capacité d’intégrer les plus vulnérables qu’on reconnaît une société humaine.

3. Quelle est votre vision du monde actuel ?
Le monde est en pleine mutation et se trouve dans une grande souffrance. Il faut réinventer de nouveaux mode de réflexion visant une profonde transformation de notre « vivre ensemble » qui font référence à la notion d’interculturalité et de citoyenneté, thèmes que j’ai amplement développé sous l’Arbre à Palabres du vivre ensemble.
Le vivre ensemble c’est une notion facile à comprendre, mais bien difficile à faire vivre à cause justement de nos différences et des tensions qu’elles génèrent. Vivre et faire ensemble, c’est encore mieux afin de permettre l’implication de chacun selon ses possibilités, ses capacités, ses convictions, ses valeurs qui représentent une grande richesse humaine pour développer la citoyenneté de tous les acteurs sociaux. C’est pour cela que notre arbre à palabres ouvre des voies plurielles de la connaissance de soi et du monde comme nous l’avons bien souligné dans notre livre.
En effet, j’ai eu la chance de naître au Niger, un pays riche de cultures, notamment à cause de la diversité ethnique qui caractérise ce peuple. La dynamique interculturelle créée au sein de cette diversité culturelle nigérienne a permis à la fois une reconnaissance de la diversité tout en renforçant la citoyenneté par les relations et les échanges culturels.
La couverture du livre L´Arbre à palabres que Meriem Bajjou, artiste Marocaine, a faite, montre qu´elle a bien compris que l’Arbre à Palabres Interculturel du vivre ensemble était enraciné en moi, et c’est pour cela qu’elle a mis cet arbre dans un visage féminin avec différentes représentations dont, en guise de feuillage, une mosaïque interculturelle colorée symbolisant plusieurs cultures et actions dans les différents quartiers de Rennes et en maison de retraite. . Pour moi, l’interculturalité telle que je la conçois ne se limite pas aux étrangers, mais doit s’ouvrir à toutes les composantes de la société Française. Car l’être humain ne peut s’épanouir qu’en s’ouvrant aux autres. Et pour s’ouvrir et être en harmonie avec les autres, il faut être en harmonie avec soi-même.
De plus, on ne peut pas détacher l’interculturalité de la sphère familiale, parce que ce sont les femmes qui portent souvent les valeurs de l’interculturalité et ce sont les femmes qui transmettent ces valeurs à leurs enfants en les éduquant.
Dans la vie sociale, elles sont des Ambassadrices de cette interculturalité en créant des passerelles entre les cultures car la majorité d’entre elles souhaite la réussite scolaire de leurs enfants dans celui de l’Arbre à Palabres.
Le monde devrait y puiser son modèle.

4. Quelles sont les valeurs auxquelles vous êtes attaché ? De quelles manières les rendez-vous vivantes ?
Mes valeurs sont celles de la charte de l’Arbre à Palabres :
- Le Respect dans le partage
- Le Partage dans la fraternité
- La Fraternité dans la convivialité
- La Convivialité dans la solidarité
- La Solidarité dans la Paix et l’Équité.

Respect : attitude, comportement, posture… vis-à-vis d’autrui, avec bienveillance et dans une grande écoute.
Partage : dans la parole. Savoir écouter l’autre dans un rapport « donnant – donnant ». L’autre a quelque chose à m’apprendre et moi, j’ai quelque chose à lui apprendre.
Fraternité : Considérer l’autre comme un membre de ma famille humaine, quel que soit ses différences.
La fraternité est une valeur de notre république française. Elle est inscrite dans la constitution aux côtés de la liberté et de l’égalité. Elle porte à son fondement le respect de la personne humaine. C’est aussi écouter l’autre dans sa différence avec le principe que nous sommes tous des êtres humains. Je suis profondément attachée à ce lien de solidarité qui unit les êtres humains et demande une certaine égalité entre les hommes et les femmes. Je souhaite qu’on rende vivant ce concept au quotidien.
Convivialité : Se voir, se rencontrer, partager dans une atmosphère de sérénité favorisant l’épanouissement de chacun.
Solidarité : Avoir de l’attention pour l’autre, prendre en compte ses préoccupations.
Nous sommes aujourd’hui face à des situations particulièrement complexes et difficiles et à l’heure où la responsabilité de l’individu montre ses limites, Il semble important de replacer la solidarité comme valeur centrale de notre société et une possibilité de réponse collective aux crises que nous traversons actuellement.
Cette valeur humaniste est liée à la valeur de la fraternité et aux concepts d’équité et de dignité humaine. Elle est un lien qui porte des personnes à s’entraider et inscrit alors l’ensemble des hommes dans une même communauté d’intérêt pour remédier à certaines inégalités de fortune, d’état de santé, de capacité physique ou intellectuelle. En somme c’est reconnaître à ces pairs les mêmes droits et devoirs que pour nous même.
Cette valeur sociale peut intervenir dans le cadre d’une solidarité de proximité, plus visible car elle nous concerne directement ou dans le cadre de la solidarité internationale, dans ce cas précis, elles prônent une solidarité avec des peuples de tous les continents.
Pour autant, les liens entre les deux formes de solidarité ne sont pas toujours simples à mettre en exergue d’où la nécessité d’une cohérence dans nos actions.
Les solidarités sont longtemps pensées en termes de réponse ponctuelle à des besoins. Or, la solidarité est une force nécessaire à la société qu'il nous faut construire ensemble parce que chacun d'entre nous, ou nos proches, peut à tout moment de sa vie, connaître des situations nécessitant des besoins de services spécifiques.
Paix : Tendre vers un climat sans conflit ; tendre vers un climat de sérénité ; tendre vers un climat propice à l’accueil de l’autre. C’est la condition nécessaire qui tend vers le vivre ensemble.
Équité : Prendre en compte la préoccupation de chacun. Savoir donner « juste ».

5. À ce jour, que désireriez-vous transmettre ?
Les valeurs de justice, de respect, de tolérance et la reconnaissance de l’autre, différent de moi, comme porteur de riche de compétence, de savoir-faire et savoir être.

6. À la lumière de votre expérience, que vous inspire cette déclaration : « Nous sommes tous des compagnons de voyage » ?
Cette citation renvoie à la relation avec l’autre et en notre capacité de le comprendre dans sa différence.

9782343033396r.jpgL'Arbre à palabres et à récits - De l'Afrique au Brésil, en passant par la Bretagne - Écrit par Christian Leray et Fatimata Hamey-Warou (Préface de Jean-Marc Vanhoutte) - L'Harmattan - 23€
En croisant leurs récits de vie sous l’Arbre à palabres qui, à l’origine, puise ses profondes racines culturelles dans les terres africaines, Fatimata et Christian montrent que cet Arbre interculturel, en donnant la voix aux « citoyens invisibles », peut développer du lien social dans les quartiers et différentes structures associatives ou institutionnelles. Afin de faciliter une écoute réciproque, les participants de l’Arbre à palabres sont disposés en « cercle », appelé aussi « roda » au Brésil. Ils expriment leurs récits de vie oralement, puis par écrit et peuvent ainsi mieux se connaître afin de vivre et agir ensemble pour faire société, tout en mutualisant leurs savoirs et compétences.