portrait_3.jpg Fabienne Thomas est formatrice, animatrice d'ateliers d'écriture et biographe. Passionnée par l'humain, sensibilisée à la question du handicap et de la différence, elle conjugue aujourd'hui avec bonheur la vie et l'écriture.
Elle a accepté de répondre avec beaucoup de délicatesse et d'authenticité aux six questions posées aux 43 aventuriers de l'existence, dans mon livre L'avenir est en nous (Dangles).

Fabienne Thomas, Dame Sagesse vous a invitée à sa table et désirerait mieux vous connaître. Comment vous présenteriez-vous ?
Je suis une femme et je suis heureuse d'être en vie. J'aime la simplicité, l'authenticité, la nature. Comme beaucoup, je doute, je cherche, je traverse des émotions. J'ai besoin de solitude et besoin des autres, besoin d'être chez moi et besoin d'espace. J'essaie d'être dans l'observation plutôt que dans le jugement et d'agir selon mes valeurs. Je suis un être humain en chantier, en travail, en apprentissage. Je suis en route et je suis de passage.

Avez-vous vécu une expérience déterminante qui a modifié, changé votre parcours de vie ? Cette expérience vous a-t-elle amené à prendre des décisions qui orientent encore votre vie ?
À l'âge de trente ans, j'avais réalisé le tableau d'une vie bien dans la norme : un mari, deux beaux enfants, un métier, une maison à crédit, une voiture. J'étais censée être heureuse et je ne l'étais pas. Je ne sentais pas en moi d'élan de vie. Et puis, notre troisième enfant est née. L'arrivée de cette petite fille dans notre famille effondre tous nos repères. Plus rien de ce que l'on m'avait appris ne tient face à ce qui s'écroule pour moi. Ma fille ne sera jamais comme tout le monde. Le mot handicap fait irruption dans notre quotidien et le beau tableau figé et sécurisant vole en éclat.
Cette enfant, je ne le sais pas encore, c'est le cadeau que me fait la vie pour m'ouvrir à elle, m'éveiller. Je sais à quel point ces propos peuvent parfois sembler incompréhensibles. Pourtant, c'est le début d'un long chemin. Un chemin de douleur et un chemin de joie. Mon parcours s'en est trouvé profondément modifié. Et je continue à apprendre, à me transformer. Intérieurement d'abord, il y a quelque chose qui s’apparente à l'ouverture des yeux et du cœur, à la confiance, à la découverte de l'être, à un regard au-delà des apparences et des idées reçues, un questionnement de mes propres croyances. Accepter de me laisser surprendre, d'enlever mes lunettes pour voir parfois avec l'intuition plutôt qu'avec l'intellect. Extérieurement aussi. J'ai fait des choix que je n'aurais sans doute pas osé faire avant : changer de métier, écrire, m'abandonner au flux de la vie. Car elle est précieuse et fragile. Intensément belle. Les épreuves peuvent nous amener à découvrir ce mystère.

Quelle est votre vision du monde actuel ?
Le monde actuel m'interroge et me blesse. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment les conflits entre clans de nos ancêtres préhistoriques ont-ils pu prendre les formes perverses que nous connaissons aujourd'hui ? Je ne me reconnais pas dans le formatage avilissant des pensées, dans la consommation effrénée dans laquelle on nous pousse pour colmater nos malaises existentiels, dans la prédation sans borne des ressources de la Terre, dans la haine et l'extermination de l'autre pour quelque motif que ce soit. Je suis souvent d'abord incrédule, puis effarée lorsque je prends connaissance d'agissements qui nient et bafouent l'humain. Je vois l'ombre et ses tentatives de colonisation de l'âme.
En parallèle et dans le même temps, je suis émerveillée par notre monde. Notre planète est une source continuelle de contemplation, de beauté, de sagesse. Elle n'a pas besoin de nous, les humains, pour tourner. En revanche, nous dépendons totalement d'elle pour vivre. Je suis touchée de découvrir des initiatives, des projets, des actions nobles menées par quelques-uns, de voir l'émergence de petits collectifs qui œuvrent à incarner les valeurs du vivant… Je crois beaucoup à une force collective à travers toutes ces petites graines cultivées ça et là, cette ramification entre les individus, lorsque chacun « fait sa part ». Je crois à la lumière.
Cependant les humains ont encore du travail devant eux ! Les humains, c'est-à-dire nous, moi. Quelle est ma part d'ombre ? Faire sa part, c'est aussi, selon moi, commencer le travail en soi, le poursuivre avec courage et détermination, sans complaisance.

Quelles sont les valeurs auxquelles vous êtes attachée ? De quelles manières les rendez-vous vivantes ?
Ces deux questions sont étroitement liées pour moi. Je suis attachée à la vie, au respect du vivant, de l'humain, à la liberté. Je cherche à vivre dans la confiance, l'amour, l’honnêteté. Il ne s'agit pas cependant de prôner, ni même de défendre des valeurs mais de les incarner, dans mes actes, au quotidien. Il s'agit de m'interroger, de m'observer. Suis-je totalement honnête ? Envers moi-même ? Envers les autres ? Il s'agit également de choix. Choisir mes sources d'information, mes lectures, mes relations. Choisir ce qui nourrit une démarche positive et responsable. J'ai besoin de sentir mes valeurs exister pour me sentir en accord avec moi-même. C'est presque instinctif, animal. Cela fait partie de ma nature. Et pour les garder vivantes, je sens la nécessité de les cultiver, de les mettre inlassablement au travail.
L'art et la littérature sont des terreaux propices pour faire fleurir les valeurs du vivant. L'écriture est pour moi un moyen privilégié d'exploration de la complexité de l'humain, de nos bassesses et de nos grandeurs, de nos petits arrangements avec tout cela… Chacun cherche son bonheur et livre pour cela une dure bataille intérieure. Le roman ne donne ni leçon ni solution, il est un transmetteur d'émotions, de partage d'expériences et de valeurs. Il vient nous toucher intimement, comme une vibration, un écho. Il chuchote à notre oreille ce que nous avons besoin d'entendre.

À ce jour, que désireriez-vous transmettre ?
La confiance, l'amour, la bienveillance, la gratitude, le respect du mystère et de la vie sont non seulement des baumes précieux pour notre monde mais aussi de puissants moteurs de transformation. Je me sens habitée par les valeurs du féminin. Reconnaître la nécessité d'un équilibre des énergies féminines et masculines, c'est aller vers un monde plus harmonieux. Les femmes ont un lien viscéral avec la vie, donc avec la mort. J'ai une conscience très forte que nous ne sommes que de passage sur Terre. A l'échelle de l'Univers, notre présence est insignifiante. Cela me ramène à beaucoup d'humilité et de respect.
Ma confiance en la vie pourrait se nommer la foi. Je souhaite que chacun trouve en lui cette confiance. Elle passe par la prise en main de son destin. Avec ce que tu as reçu à la naissance, que choisis-tu de faire ? Quelle vie choisis-tu de te créer ? La place de victime est à mon sens la pire aliénation qui soit. Il existe nombre de femmes et d'hommes admirables qui, malgré des événements ou des situations de vie terribles sont des exemples de dignité et de créativité. La confiance absolue en la vie passe peut-être par la conquête de sa liberté intérieure.

À la lumière de votre expérience, que vous inspire cette déclaration : « Nous sommes tous des compagnons de voyage » ?
Si chaque destin connaît une trajectoire singulière, j'observe que nous sommes tous réunis par les mêmes expériences universelles : naître, vivre, mourir. Nous sommes traversés par les mêmes émotions de peur et d'amour. Cette ressemblance se double d'interdépendance : dès la naissance, nous tissons des liens avec notre entourage et notre environnement, notre culture. J'ai conscience de cette interdépendance qui me permet d'apprendre, de grandir, d'exister.
La vie est multiple et foisonnante et pour moi, tout est en lien, en résonance. Nous sommes compagnons dans l'aventure de la vie. Nous sommes passagers provisoires sur notre planète.
L'impermanence et la fragilité de notre condition devraient nous inviter à en goûter chaque seconde et à faire de ce voyage une fête en votre compagnie, Dame Sagesse.

==> L'auteure : De la Méditerranée à l’Atlantique, en passant par les Pyrénées, Fabienne Thomas est devenue nantaise en suivant les chemins de l’existence. Elle aime les mots, les gens et leurs histoires. Créatrice d’ateliers d’écriture, formatrice et écrivain, elle conjugue au présent la vie et l’écriture.

Après Ombre portée aux éditions du Petit Véhicule et L'enfant roman aux éditions Passiflore, elle publie Inventer le jour, (Passiflore). « J'aime me plonger dans l'intériorité de l'être, dit-elle. L'humain reste pour moi la question essentielle. » En effet, L'enfant roman parlait de l'arrivée d'un enfant différent au sein d'un jeune couple et Inventer le jour sur la disparition de la mémoire et la fin du chemin de vie d'un couple de personnes âgées. Tous ces sujets sont traités avec beaucoup de poésie et de tendresse et sans aucune tristesse par cette auteure qui veut simplement partager l'émotion.

image.jpg Inventer le jour, de Fabienne Thomas aux éditions Passiflore. 19,50 €. - 2015.

Résumé : Un matin de juin, un vieil homme ferme la porte de sa maison et s’en va seul, à pied. Où va-t-il ? Pourquoi cet étrange voyage ? Sur le chemin, Louis est habité par le souvenir d’Anna. Les événements de son existence, la maladie qui a privé peu à peu sa femme de la mémoire, la manière dont il a traversé les épreuves sont autant de façons d’interroger l’amour et la mort, la dignité et l’identité, les souvenirs. Au contact de la nature, dans le silence et le mouvement de la marche, il s’avance à la rencontre de lui-même. À la rencontre de la vie et de l’essentiel.

"La nature resplendissante et la succession des heures accompagnent Louis sur les sentiers du temps et des souvenirs, rythment et soutiennent ses découvertes intérieures."

Inventer le jour aborde les questions de la fin de vie et de la mémoire, interroge l’amour. Qui est-on lorsque l’on a perdu sa mémoire, lorsque l’on ne reconnaît ni les lieux ni les personnes aimées ? Que reste-t-il au terme d’une existence ? L’amour peut-il résister à l’adversité et à la souffrance ? Le soleil de juin en ce jour de solstice témoigne du côté lumineux de l’existence. Chaque matin est une promesse. Celle de la vie et de la beauté du jour à venir. Qu’en faisons-nous ? Parfois, la vie nous met à l’épreuve. Certains matins sont des champs de désolation. Quel est alors notre choix ? Pouvons-nous encore Inventer le jour ?

Un roman plein de poésie, d’humanité, tout en finesse. Fabienne Thomas, à travers une écriture pleine de finesse et de sensibilité, invite avec pudeur à découvrir l'intimité des êtres. L’écriture de l’auteur est sublime, poétique, douce, chaque mot est remarquablement bien choisi pour faire passer les émotions. Rédigé à la troisième personne du singulier, le narrateur et donc le lecteur est « extérieur », spectateur de la vie du personnage principal. Et pourtant, on ressent les émotions aussi vivement que si le roman était écrit à la première personne. Les phrases courtes donnent du rythme à cette histoire magnifique. (MlleJavotte)

1ereCouv-Enfant-Roman.jpg L’enfant roman, brodé au point de croix, d'une finesse et d'une délicatesse infinie, aborde les thèmes essentiels de la vie et nous renvoie en douceur à nos propres valeurs.

C'est une histoire extra-ordinaire vécue par des personnes ordinaires, mais surtout une histoire ordinaire vécue par des personnes extraordinaires.

"Elle veut devenir grande et ne pas mourir avant". L’enfant roman débute ainsi, avec les espoirs et les projets d'une petite fille. La vie propose cependant à Violette un chemin très différent de celui dont elle avait rêvé. A peine entrée dans l'âge adulte, le monde s'écroule avec l'arrivée de Clara, bébé handicapé. Ses tout jeunes parents vont alors devoir traverser le chaos, puiser dans de nouvelles ressources et réinventer une nouvelle forme d'amour, avant de découvrir que derrière les épreuves se cachent parfois des cadeaux. L'enfant roman, à travers une écriture intimiste et sensible, aborde les thèmes essentiels de la vie et nous renvoie à nos propres valeurs. Un livre pour donner à ressentir, à partager."

«Clara est une mutante. Une nouvelle humanité en marche qui fait peur aux Terrestres. Elle ne comprend pas avec sa tête, se moque de l'argent, de l'économie mondiale et des contraintes horaires. Elle ne sait ni lire, ni écrire, ni compter, ne mesure ni la monnaie ni le temps. Humaine nouvelle, elle défriche d'autres valeurs et développe d'autres sens. Clara parle le langage du coeur, le langage des simples et des oiseaux.»

Tous les futurs parents ont en tête un enfant rêvé que la réalité bouscule parfois. L'enfant roman est le récit de l'écroulement d'un monde, de la perte totale de repères. C'est aussi la rencontre de deux jeunes gens avec eux-mêmes grâce à Clara, leur enfant hors norme. Car au-delà de l'épreuve, L'enfant roman est l'expression de la force de vie, de la reconstruction et de la renaissance. Avec une grande justesse de ton et sans jamais céder au pathos, Fabienne Thomas nous invite au coeur de l'humain dans toute sa différence. C'est dans l'empathie et la compassion que l'on suit la détresse de cette mère et avec admiration son cheminement jusqu'à une libération et une grandeur d'âme.

L’enfant roman, éditions Passiflore 2013 – 18€. - 2013.

Sélections 2014 : - Finale Prix littéraire d'Aquitaine 2014 - Prix du roman initiatique de la bibliothèque de Petit-Mars (44)