Hier, 21 septembre 2020, Michael Lonsdale nous a quitté, à l'âge de 89 ans.

J'avais eu la chance de le rencontrer en 2013 et de l'interviewer pour mon livre L'avenir est en nous. Une rencontre inoubliable dans sa simplicité et son authenticité. Je vous offre ci-dessous le contenu de cette interview.

« … Restons optimistes et pensons que chaque être humain est un trésor conçu par Dieu et que l’Esprit Saint est là, en eux, et qu’Il peut les aider à agir… »

Michael Lonsdale, Dame Sagesse vous a invité à sa table et elle désirerait mieux vous connaître.

Comment vous présenteriez-vous ?

Je suis un enfant naturel qui a été très tôt attiré par l’art, la peinture, l’expression dramatique. J’essaie de vivre le plus possible en Dieu. Que ce soit par la prière, par la pensée, ou en action. Aujourd’hui, mon centre de préoccupation n’est plus mon « moi ». Il faut évacuer ce soi-même, ce soi si encombrant, afin de réaliser la paix en soi. Le Christ ne cesse de le répéter dans les Évangiles : « Je vous apporte ma paix, Paix, mes agneaux... » Il dit aussi : « Je suis venu apporter l’épée ». Et cette épée, c’est celle dont nous avons besoin pour trancher, et enlever ce qui n’est plus nécessaire dans notre vie...

Avez-vous vécu une expérience déterminante qui a modifié, changé votre parcours de vie ? Cette expérience vous a t-elle amené à prendre des décisions qui orientent encore votre vie?

Mon baptême, à l’âge de 22 ans, fut un bouleversement. Auparavant, j’étais un gamin très timide, voulant entreprendre plein de choses mais n’osant rien faire pour les réaliser. Ce jour a commencé à donner une première orientation à ma vie, l’a colorée avec l’idée de la parole du Christ avant tout.
Cependant, il a fallu que, plus tard, de grandes épreuves m’arrivent, que je sois totalement démuni, notamment par la perte d’êtres chers, pour vivre pleinement ma foi. Je n’étais pas préparé à ces épreuves, alors j’ai plongé et, dans ce plongeon, j’ai fait ce qu’on fait souvent, on appelle de toutes ses forces, on crie vers Dieu : « Au secours, aide-moi, sauve-moi », et la réponse a été très rapide... Un soir, mon parrain m’a emmené dans un groupe de prière charismatique à l’église saint François-Xavier. Tout à coup, cela a été l’éblouissement ; j’ai vu des gens en train de prier, des gens ouverts, accueillants... Puis d’autres signes sont arrivés, telle cette cassette vidéo qui parlait d’un groupe charismatique, celui des Béatitudes. En voyant ces gens agir, vivre et prier, je me suis dit : « Voilà la réponse ! » Cette réponse est venue deux jours après mon appel...
Et toute ma vie s’est éclairée différemment, et s’est vraiment organisée autour de Dieu. Peu à peu, j’ai eu l’impression de reconstituer quelque chose qui avait été abandonné, qui n’avait pas été mis en valeur, exploité.

Quelle est votre vision du monde actuel ?

Malgré des données scientifiques nouvelles, le monde est le même qu’auparavant car le caractère humain reste identique. Il y a ceux qui sont appelés à une certaine connaissance, d’autres à une certaine pratique de la foi, d’autres qui n’en ont pas besoin… Notre monde est très perturbé par des problèmes auxquels je ne comprends rien, tels des problèmes d’économie, de compétitivité… , avec une tendance regrettable à la corruption, à la dissimulation.
Je crois beaucoup à la dualité entre le bien et le mauvais, c’est une lutte à mort qui continue dans le cosmos. Les forces du mal ne sont pas au chômage ces temps-ci... C’est toujours un combat entre celles-ci et les forces d’amour, positives, de Dieu. Ça se bagarre, dans le monde, mais aussi à l’intérieur de nous. Ce monde moderne est un monde où chacun doit se débrouiller. Nous ne devons jamais perdre de vue que, si l’équilibre et le bonheur sont accessibles, ils impliquent aussi quelques sacrifices. Il n’est pas possible de tout avoir et la vie ne se réduit pas forcément à gagner un maximum d’argent.
Cependant il ne faut jamais perdre espoir. En tant que président de la Fidesco (Organisation catholique de solidarité internationale), je côtoie énormément de jeunes, notamment à Paray-le-Monial, qui n’hésitent pas à consacrer un ou deux ans de leur vie, pour se rendre dans les pays en développement afin de mettre leurs compétences professionnelles au service d’aide aux populations locales. C’est magnifique de les voir partir ainsi. Par ailleurs, les monastères sont de plus en plus sollicités pour des retraites, des temps de silence…
Je crois en l’espérance et la charité. Restons optimistes et pensons que chaque être humain est un trésor conçu par Dieu et que l’Esprit Saint est là, en eux, et qu’Il peut les aider à agir.

Quelles sont les valeurs auxquelles vous êtes attaché ? De quelles manières les rendez-vous vivantes ?

La sensibilité, l’émotion, la beauté sont des faces de Dieu. Mais Dieu n’est pas que beauté, Il est complètement amour. J’ai la chance de pouvoir témoigner de cet amour à travers mon métier, alors j’essaie, le plus possible, de trouver des projets dignes d’être mis en lumière. J’ai envie de faire connaître des propos constructifs, positifs, qui soient une inspiration pour la société et pour les gens... J’essaie de faire connaître les grandes spiritualités de notre temps, telle sœur Emmanuelle , une magnifique femme, un “boulet de canon”, avec une fabuleuse capacité d’incarnation de la vérité et de l’amour ; sans oublier François d’Assise, toujours si actuel et Thérèse de Lisieux… Ce qui est dit sur scène est parfois plus fort que ce qui est lu !
Quand la foi nous anime, nous pouvons alors la transmettre dans la lumière des projecteurs, dans le rythme, le mouvement ; elle passe dans le texte si vous avez vraiment intériorisé le sens des mots, de manière à ne pas simplement prononcer des phrases. Il faut souvent des temps de pause pour laisser s’inscrire un sentiment. C’est généralement par la lenteur que la spiritualité s’exprime, et non dans les choses hâtives. Quand vous croyez profondément en ce que vous dites, que vous êtes dans la concentration, vous trouvez le cheminement du cœur. Il y a comme une urgence à faire parler l’Esprit, parce que les plus beaux spectacles, s’ils ne laissent pas de trace, s’ils servent seulement à distraire, ne suffisent pas. Si on est croyant, il faut témoigner de sa foi.

À ce jour, que désireriez-vous transmettre ?

L’amour tout puissant de Dieu est la plus belle chose au monde et il est important de le faire rayonner. Sœur Emmanuelle disait : « Que votre personne rayonne ». Ce que j’aime dans le programme du Christ, c’est la notion de fraternité entre les hommes. Le devoir de soulager la souffrance humaine est au cœur de la chrétienté, et je ne peux supporter toute forme de détresse en gardant les bras croisés... Avant, je ne percevais pas la détresse de tant de gens qui vivent si mal, qui sont dans des blessures inguérissables. Et dès que je peux, j’ai envie de prêter plus attention aux personnes qui souffrent. Voilà une pratique importante dans la foi, ces petites choses qui n’ont l’air de rien, comme celle d’appeler quelqu’un et de lui dire « Que devenez-vous ? » Se préoccuper des autres, avoir du respect et de la considération pour tous les êtres humains... C’est fou les fruits que ça porte ! Il suffit de se rendre disponible et les choses arrivent rapidement.

À la lumière de votre expérience, que vous inspire cette déclaration : « Nous sommes tous des compagnons de voyage » ?

Certes, nous sommes tous des compagnons de voyage, mais nous sommes aussi tous des pèlerins. Nous sommes des compagnons pèlerins, nous cheminons ensemble. Au fond de l’être humain, il y a toujours cet idéal de bonheur, de vie pleine et intense.

Instantané

Dites-nous, Michael Lonsdale…

Quel est votre mot préféré ? Amour.

Quelle est votre fleur préférée ? Le freesia.

Quelle est votre musique préférée ? Bach et Mozart.

Quel est le lieu qui vous inspire ? La nature, le coucher de soleil, le silence.

Quel est le livre qui vous a le plus marqué ? “Les vagues” de Virginia Woolf.

Y a-t-il une personne qui vous a particulièrement inspiré ? Thérèse de Lisieux.

Quel est votre héros ou votre héroïne ? François d’Assise.

Quelle personne désireriez-vous rencontrer ? Le nouveau pape.

Qui aimeriez-vous être ? Moi-même en mieux.

Quel est votre rêve de bonheur ? Les bisous reçus de mes parents. C’est irremplaçable.

Si vous aviez une devise, quelle serait-elle ? “To be or not to be”.

Si vous rencontriez Dieu, que lui diriez-vous ou que désireriez-vous qu’Il vous dise ?
Dieu : - Ah, te voilà, toi !
Moi : - Oh ! Pardon. Pardonne-moi. Le pardon est une guérison.

Michael Lonsdale, comédien de théâtre et de cinéma, tourne avec les plus grands réalisateurs, prête sa voix à la lecture des grands textes de littérature, des Évangiles… C’est un artiste considérable. Il a reçu en 2010 le césar du meilleur second rôle masculin pour son inoubliable interprétation du rôle du frère Luc dans le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux. Il est l’auteur de L’Amour sauvera le monde, ( Philippe Rey, 2011) ; En chemin avec la beauté, ( Philippe Rey, 2012).

Michael Lonsdale restera pour toujours ce comédien extraterrestre, cet acteur venu d’ailleurs qui semblait incarner une certaine condition humaine tout en posant un regard extérieur sur elle, comme s’il ne lui appartenait pas vraiment. Et sans doute faut-il voir là le véritable secret de son génie. Mathieu Macheret - Le Monde du 21/09/20